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Sortir les agriculteurs du seuil de pauvreté : comparaisons et perspectives 

Dernière mise à jour : 16 févr.


L’ouverture prochaine du salon de l’agriculture ne fait pas oublier que la crise des agriculteurs qui sévit en Europe depuis plusieurs mois, et qui a fait l’objet d’une grande attention médiatique en France ces dernières semaines, nous rappelle combien l’un des métiers les plus importants de notre quotidien (produire ce que nous mangeons) est aussi l’un des plus difficiles.

 

Dans cette première édition des Point of View d’HAïAT, nos consultants se sont penchés sur les revenus des agriculteurs pour mieux comprendre leur situation économique et proposent des pistes pour les sortir du seuil de pauvreté.

 

 

Les agriculteurs ne vivent pas de leur travail et sont dépendants de leur conjoint ou de revenus secondaires pour survivre

 

Les agriculteurs français, pilier essentiel de l'économie rurale et garants de la sécurité alimentaire du pays, font face à d'importantes inégalités par rapport à la population générale. Bien que les statistiques indiquent un revenu disponible moyen (revenu à disposition du ménage pour consommer et épargner) des ménages agricoles supérieur de 23% à celui de l'ensemble des ménages actifs français, cette moyenne masque les disparités profondes entre les agriculteurs et le reste de la population.

 

En France, les agriculteurs affichent, en apparence, un niveau de vie médian comparable à celui de l'ensemble des ménages français. Ces chiffres pourtant, cachent une réalité plus nuancée : si leurs revenus semblent plus élevés, c'est en partie parce que les ménages agricoles comptent davantage d'unités de consommation. Cela signifie que, malgré des revenus bruts supérieurs, la richesse est répartie entre plus de personnes, conduisant à un niveau de vie ajusté qui n'est pas forcément plus élevé que la médiane nationale.

 


Revenus disponibles moyens d’un ménage agricole en 2020

(comprenant au moins un agriculteur exploitant)

Données INSEE, Analyse HAïAT


Par ailleurs, les revenus agricoles ne représentent que 34% du revenu total des ménages agricoles, soulignant une dépendance significative à des sources de revenus alternatives. Cette situation met en évidence la précarité des revenus issus de l'agriculture et la nécessité pour de nombreux ménages agricoles de diversifier leurs sources de revenus pour subsister. Les agriculteurs se tournent vers l'activité salariale du conjoint, la vente de produits artisanaux, le tourisme à la ferme, ou encore les pensions et retraites pour compléter leurs revenus.

 

Et si ces difficultés à vivre de son travail agricole sont partagées par l’ensemble de la profession, il existe malgré tout une grande disparité en revenus agricole et niveau de vie des ménages au sein de la profession. Ainsi, les revenus varient significativement selon le type de production. Les viticulteurs sont, par exemple, ceux qui obtiennent le plus de revenus de la production (environ 26,6K€), tandis que l’élevage ovin, caprin ou d’autres herbivores se situe plutôt en bas de l’échelle (11,7K€). Ces derniers sont d’ailleurs 26% à vivre avec un niveau de vie inférieur à 60% du niveau de vie médian de leur profession.

 

 

Disparité en revenus agricoles et niveau de vie des ménages selon la production agricole dominante

Données INSEE, Analyse HAïAT

 

 

L’agriculteur est un travailleur pauvre : 1 agriculteur sur 5 vit sous le seuil de pauvreté pour 20 heures de travail en plus par semaine

 

 

La complexité du modèle économique agricole français, marqué par une pression constante sur les prix à la production, des coûts opérationnels élevés et la volatilité des marchés, exerce une pression immense sur les agriculteurs. Ces derniers sont souvent pris en étau entre des coûts de production en hausse et des prix de vente qui ne suivent pas toujours cette tendance. Ainsi, le niveau de vie des agriculteurs est plus inégalitaire que dans le reste de la population active. Près d’un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Cela représente plus de 18% des ménages agricoles, contre 11% des ménages actifs en France. En cela, l’écart de niveau de vie entre le premier et le dernier décile est bien supérieur à la moyenne française (x3,3 pour les ménages actifs en France, x4,7 pour les ménages agricoles.)


Le niveau de vie des agriculteurs est plus inégalitaire que dans le reste de la population active



Données INSEE, Analyse HAïAT

 

Et ce n’est pas un problème de temps de travail : un exploitant agricole travaille en moyenne 20 heures de plus par semaine qu’un actif moyen, tandis que son revenu horaire net est 60% inférieur à la moyenne, et 30% inférieur au smic. Les agriculteurs travaillent en effet en moyenne plus de 57 heures par semaine et sont à la tâche le soir et le week-end.

 

 

Un exploitant agricole travaille 20 heures hebdomadaires de plus qu’un actif moyen, son revenu horaire net est 60% inférieur à la moyenne et 30% inférieur au smic

Données INSEE, Analyse HAïAT



Alors comment aider les agriculteurs à mieux vivre de leur travail ?

 

3,2 milliards d’euros par an pour permettre aux agriculteurs d’atteindre le smic horaire

 

Faire en sorte que nos agriculteurs vivent de leur travail en ayant un revenu agricole horaire décent est à la fois une question de santé publique et de souveraineté alimentaire. Il est donc indispensable de réfléchir à une aide d’État qui, a minima, permettrait aux agriculteurs de travailler au smic horaire. D’après nos estimations, cela coûterait seulement 3,2 milliards d’euros en moyenne à l’État par an, soit l’équivalent du budget public octroyé pour l’organisation des Jeux Olympiques de Paris en 2024, ou une somme inférieure au programme dédié aux véhicules électriques par an. Ce chiffre, calculé à partir d’une moyenne, devrait ensuite être affiné à la maille de la production agricole.

 


Budget que l’État pourrait consacrer à l’équilibre du revenu des agriculteurs, en comparaison à d’autres budgets déjà octroyés

Données INSEE, Analyse HAïAT

 

 

Les propositions faites aujourd’hui (0,4 milliard d’euros) ne permettent toujours pas aux agriculteurs d’être rémunérés au smic horaire pour le travail qu’ils réalisent.

 

Assurer une vie décente à ceux qui nourrissent le pays doit devenir un impératif national.

 

 

 

 

 

Auteurs : Matthieu Gaulard, Pauline Alessandra, Abir Haddoud

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